Tout intellectualiser

, par  Genma , popularité : 2%

Deuxième billet de la série que j’évoquais dans mon billet de début de semaine Autocensure, nouvelle réflexion sur le sujet et qui fait suite / vient en complément de mon billet de blog Le métier passion.

Le lifehacking à l’extrême

En parallèle du Métier devenu passion, j’ai, d’une certaine façon, poussé le lifehacking à l’extrême. Et je me suis retrouvé piégé. Dans ce billet, je voudrais témoigner de ça.

Nombreux sont les billets au cours des années écrit sur le Lifehacking avec mes différentes méthodologies. Et parmi toutes ces méthodologiess, il y en a une dans laquelle je me suis retrouver piégé. Comme je l’expliquais dans mon billet Lifehacking et vacances, j’avais mis en place un fichier de suivi de mes pomodoros. Avec le pomodoro, je me suis forcé à faire une chose à la fois.

Cette traçabilité m’a été bien utile quand, pour un projet que j’avais à réaliser en 10 jours et qui avait été réalisé en étant étalé sur plusieurs semaines. Le temps indiqué comme consommé dans l’outil de suivi de l’entreprise ne correspondait pas au temps réellement effectué en cumul. Il me restait une journée de réalisation et cette journée a été utile pour me permettre de finaliser le projet. L’estimation initiale de 10 jours homme s’avérait donc correct. Mais le suivi du temps planifié versus la réalisation avait rencontré une petite erreur que j’ai pu détecté via mon propre fichier de suivi.

Avec mon fichier de suivi des pomodoros, je suis devenu de plus en plus productif. Ce fichier m’a permis de constater ma productivité, mais aussi, ce qui aurait dû m’alarmer, de voir que j’arrivais plus tôt le matin et partait plus tard le soir vu que les pomodoros liés à des tâches associés à mon travail commençait avant mes heures officielles de début de journée.

J’ai compléter ce fichier en y ajoutant une ligne décrivant aussi mon état d’humeur de la journée, pour avoir un suivi de mon humeur (et indirectement de mon état de fatigue au cours du temps). Mais aussi tout un tas de tableau que j’ai qualifié de monitoring, sur le suivi de mes sauvegardes, de mon poids, de la date de dernière tonte du jardin, de l’évolution de la consommation électrique...

Ma volonté de toujours être plus efficace, toujours plus précis, toujours tracer est devenu obsessionnel d’une certaine façon. Je peux dire à quelle saison de quelle série je suis, quel livre j’ai prévu de lire et ceux que j’ai déjà lu, quel film je prévois de voir... J’ai des todo-listes pour tout...

Tout intellectualiser

Comme je le disais dans le titre de ce billet de blog, je me suis mis à tout intellectualiser. Dans ma volonté d’avoir le contrôle sur ma propre vie pour la gérer de façon plus efficace, pour ne pas perdre de temps et que chaque instant soit utile, productif, j’ai commencé à réfléchir à tout. Cette réflexion est passée par le fait de tout prévoir et de tout planifier, de prévoir tous les cas possibles et possibilités, les éventualités, de ne rien laisser au hasard. Associé à une volonté de perfectionnisme, de contrôle, je me suis mis à réfléchir à tout. Et plus rien n’est devenu naturel.

Mais au delà de l’impact que cela a pu avoir sur moi, au delà du contrôle sur ma propre vie il y a eu la volonté de contrôle sur la vie des autres indirectement. Car cela a déteint. Dans la volonté de contrôle permanente des choses, j’en suis arrivé à vouloir que les autres personnes soient impliquées, productives, ne comptent pas leurs heures... Qu’elle se comportent et agissent comme je le fais. Et le fait qu’elles ne le fassent pas m’a fait sentir dépendant d’éléments sur lesquels je ne pouvais pas avoir le contrôle... J’ai commencé à vouloir mener les conversations la je le voulais, pour qu’elles me soient utiles, m’apportent quelque chose. Je suis alors entré dans une forme de manipulation des personnes... d’une certaine façon. Dire ce que la personne a besoin d’entendre, savoir ce que l’on dit. Peu à peu, il n’y a plus de place pour le naturel, pour l’humain. On en devient presque une machine. J’ai repensé à mon billet sur Réflexions cyberpunk. Ce billet débute sur la notion de testament numérique et continue sur, je me cite Plus j’y pense, et plus je me dis que cette volonté de tracer, de documenter numériquement ce que je fais, de classer ma vie (vu que je fais du lifehacking avec des todo-listes numériques, je m’organise avec un agenda en ligne pour avoir des journées remplies, où je sais ce que je fais et me permettre d’avancer mes différents projets), c’est quelque part une volonté de reprendre le contrôle sur ce corps qui est limité. Mon esprit va vite, va loin, a des limites qui sont imposées par le côté analogique de mon corps, là où le numérique m’offre des perspectives quasi infini...

Deux ans après, ces réflexions ont été poussées à l’extrême. Je suis allé dans la continuité de ce que j’avais écris. Le tout avec un un métier passion, cela n’a pas fait bon ménage...

S’en sortir ?

J’avais commencé un long processus de réflexions sur moi-même sur ce sujet en particulier, alors quand j’ai été mis face à l’évidence, cf Le métier passion, la réflexion était déjà bien entamée et débutée.

Pour m’en sortir, je dois réapprendre à être humain. A vivre à l’instinct. À vivre sans réfléchir et tout prévoir. À improviser. J’ai commencé. J’ai eu ces dernières semaines, des moments très humain et le contraste est d’autant plus grand avec les moments où j’étais à fond dans mon métier au quotidien.

Pour en revenir au lifehacking, son usage doit être en équilibre entre la maîtrise et le contrôle et l’improvisation. Parfois il faut savoir faire l’action dans le moment plutôt que de la planifier, il va parfois plus vite de faire une action et que de la planifier. On retrouve alors un des préceptes de Getting Things Done : faire de suite pour être débarrassé ou repousser et alors on planifie. Mais dans le fait de tracer chaque pomodoro il y a une volonté de maîtrise du temps qui passe. Et là c’est aller trop loin.