L’élitisme de l’auto-hébergement

, par  Genma , popularité : 2%

Dans ce billet je voudrais parler de l’élitisme de l’auto-hébergement. Le terme d’élitisme peut sembler un peu fort mais il ne l’est pas tant que ça. En 2016 l’auto-hébergement reste clairement une lubie de geek et une solution qui est tout sauf grand public. Je m’explique et je démontre ça dans la suite de ce billet.

MAJ & commentaire
 L’élitisme est un terme mal choisit, il faudra que je trouve un terme plus adapté
 Je ne remets pas en question le super boulot des équipes yunohost / brique, au contraire. Je veux monter en compétence pour pouvoir aider (faire du support ou autre) et encore plus démocratiser ça. Je vous invite à les contacter pour ne pas être seul-e dans cette aventure

Mon background

Je connais le principe de l’auto-hébergement depuis que je suis sous Linux, au début des années 2000. Dans mes fréquentations de l’époque, j’avais des amis geeks qui laissaient tourner en permanence des PC "serveurs" (comprendre avec un OS en ligne de commande, sans interface graphique contrairement à moi, à l’époque) pour partager des fichiers et autres services (IRC) via le réseau de la résidence universitaire. Tout un monde qui m’était parfaitement étranger à moi, qui n’était pas encore intéressé par l’informatique comme je peux l’être depuis une dizaine d’années maintenant.

Peu de temps après ces premiers contacts avec ce monde inconnu,je suis tombé dans la marmite du logiciel libre, de l’autodidaxie en informatique, j’ai commencé à faire de la veille sur différents domaines au quotidien. J’ai passé et je passe encore BEAUCOUP de temps à faire ça. Avec les années, j’ai donc toujours suivi de plus ou moins loin les évolutions dans le domaine, j’ai vu l’arrivée du Raspberry Pi et de Yunohost, la naissance du projet La brique Internet et la volonté de revenir à un Internet décentralisé pour lutter contre les GAFAM.

Etat des lieux

Nous sommes donc en 2016, il y a des solutions plus faciles qui simplifient beaucoup de choses (la Brique Internet et le système qu’elle utilise Yunohost en sont de très bons exemples), qui automatise les configurations. Mais il y a encore beaucoup à apprendre. L’auto-hébergement demande un certain nombre de connaissances, compétences et pratique au quotidien. Que ce soit pour la supervision/analyse des logs, mises à jour, configuration de la sécurité... Tout cela ne s’improvise pas et n’est pas encore si simple que ça. Et je ne parle pas des problématiques comme la création de sous domaine, d’un hidden service pour Tor, la mise en place de TLS (même avec Let’s Encrypt)...

Peut-être que j’ai un regardé biaisé, que j’en attends et demande trop, que je veux aller plus loin que ce n’est prévu pour ces solutions clefs en main. Peut-être.

Des connaissances

Des puristes m’ont dit : "Ton Yunohost c’est bien mais en automatisant, ça cache pas mal de choses". Et je ne peux que dire que je suis d’accord. Même si je fais confiance aux personnes qui sont derrière Yunohost pour être de meilleurs administrateurs et développeurs que moi (et ils le sont sans hésitation), je me penche tout de même sur le code source, je regarde les fichiers générés, j’étudie les fichiers de configuration et les choix qui y ont été faits. Mais c’est un choix et un investissement personnel que je souhaite faire.

Ce que je constat c’est qu’avant de me lancer dans cette aventure de longue haleine, j’avais déjà un certain nombre de connaissances de bases (j’ai un peu plus de dix ans de Linux sous Ubuntu), des notions d’administration système et une curiosité geek d’autodidacte qui me fait apprendre sans cesse de nouvelles choses.

Et plus le temps passe et plus j’en arrive à la conclusion que l’auto-hébergement nécessite d’avoir des prérequis en connaissances dans le domaine de l’administration (et être donc à l’aise avec les commandes shell correspondantes). Il faut par exemple savoir faire des sauvegardes et surtout les restaurer... Il faut également des connaissances en réseaux, en sécurité, en logiciel et développement (il faut comprendre des erreurs générés par PHP ou Python par exemple, selon le logiciel qu’on installé), en base de données... Il faut pouvoir toucher à tout.

Car dès qu’on sort des clous, dès que ça ne marche pas, dès que l’automatisation pose soucis, on se retrouve à devoir comprendre, analyser, chercher dans les forums et devoir formuler de façon technique... D’où le prérequis des connaissances.

Du temps

Pour pouvoir s’auto-héberger, il faut du temps. Il y a le temps de l’acquisition des connaissances préalables. Il y a ensuite tout le temps de la mise en place d’un système rôdé. Et ce, même si on utilise des outils pré-configurés et facilitant grandement le travail comme Yunohost. Le temps de tout mettre en place, pour vérifier que tout marche, réparer etc. surtout si l’on veut faire des choses un peu exotique... Dans mon cas, j’ai réinstallé un PC sous Debian (en ligne de commande, sans interface graphique). Et il faut donc du temps pour apprendre à savoir faire ça.

Puis il y aura le temps d’administration, de mettre à jour, de veiller (faire de la veille technologique)... Pour savoir réagir et mettre à jour rapidement si une faille critique est découverte (oui j’ai automatisé les mises à jour avec apt-cron).

Et il y a tout bêtement le temps de l’utiliser. Car avoir un système d’auto-hébergement à soi, avec tout un tas de services cloud, c’est bien. En avoir l’usage, c’est mieux. Combien de temps va-t-on passer à installer des services, à les configurer aux petits oignons, à régler le paramétrage de la façon la plus fine possible, pour finalement ne pas utiliser le service en question ?

De l’argent

Même si on a pris une machine de récupération (un vieux PC que l’on nous donne par exemple), il faut payer son abonnement Internet tous les mois et la consommation électrique de la machine. Il y a l’achat d’un nom de domaine. Éventuellement de pièces détachées (si un élément ne marche plus, un disque dur usb externe pour faire des sauvegardes. Voir à ce sujet mon billet sur le spare matériel).... Même si on se débrouille assez bien (un nom de domaine, c’est une dizaine d’euros par an, un PC basse consommation ou un Raspberry Pi c’est quelques euros d’électricité par an, on peut utiliser un disque dur qu’on avait déjà...)

Conclusion

Avoir des connaissances avancées en informatique, du temps et de l’argent, ce n’est pas donné à tout le monde. Tout le monde n’a pas la chance de pouvoir réunir ces 3 prérequis. Et c’est en cela que l’auto-hébergement est clairement quelque chose qui reste encore élitiste. Mais via mes billets de vulgarisation, mon retour d’expérience, mon partage de connaissance acquise et les synthèses que je fais, j’espère changer ça, en donnant autres des moyens de compréhension et d’appropriation des connaissances....