Mais je suis une femme

, par  Genma , popularité : 3%

Cette fois, c’est à Norore, une amie, que je laisserai la parole pour un long billet qui, je l’espère, sensibilisera mon lectorat à des problématiques qui me sont chères.

Je suis : scientifique, geek, gamer, bricolo, habile, touche-à-tout

Mais je suis une femme... De ce fait, je subis quotidiennement des attaques sur mon genre. Quel que soit le milieu que je fréquente ou l’activité que j’effectue. Souvent de façon inconsciente, du moins je l’espère.

Le milieu professionnel

Le milieu professionnel, quel qu’il soit, peut vite devenir anxiogène pour une femme. Dans mon milieu, les sciences, c’est souvent plus évasif qu’explicite. Les hommes sont plus souvent mis en avant, la plupart des personnes dirigeant des recherches sont des hommes, les postes à haute responsabilité sont également plus facilement assignés à des hommes. Les tâches plus « ingrâtes » sont donc le plus souvent effectuées par des femmes : administration, technique de laboratoire. Bien que l’Institut dans lequel je travaille soit plus varié, il n’en demeure pas moins que certains comportements, certaines réactions, font ressentir cette pression patriarcale.

Les femmes entre elles ne sont pas forcément solidaires non plus. Par expérience, pour l’avoir vu, pour en avoir eu des échos variés, pour l’avoir vécu, et pour l’avoir lu au cours de mes différentes lectures sur les internets, certaines femmes n’hésiteront pas à vous lâcher une fois qu’elles vous auront bien aidé à vous mettre dans l’embarras. Tout simplement pour en ressortir plus grandes, pour se valoriser auprès de leurs pairs. Tout bonnement pour pouvoir un jour briguer un poste « d’homme ».

Mais ceci ne s’arrête pas aux sciences, il est observé dans tous les domaines. Dans les arts, chez les professeurs des écoles, dans les hôpitaux, dans les restaurants...

Regardez dans les formations qui sont proposées : on parle toujours d’écoles d’infirmières ou de sage-femme. Or il y a des hommes infirmiers et des hommes sage-femme. Alors certes, le métier de « sage-femme » a longtemps été exercé par des femmes, mais ce n’est plus le cas depuis 1982, où la profession s’est ouverte aux hommes. Si vous êtes une femme et que vous êtes enceinte, vous pourriez donc très bien être suivie par un homme.

Lorsque vous allez au restaurant, si vous pouvez les voir, regardez les cuisines. Essayez de vous rappeler la dernière fois que vous avez vu une femme avec une toque de chef. Très peu de femmes ont la chance de devenir cheffe, pour la raison fallacieuse qu’elles n’ont pas les épaules pour gérer une brigade.

Difficile donc, lorsque l’on est une femme, de considérer sereinement un avenir professionnel sans faire attention à chacun de ses pas, encore plus que pour les hommes j’imagine.

Quelques références :
 De graves inégalité hommes-femmes dans la recherche mondiale - Passeur de Sciences, 22 Décembre 2013, par Pierre Barthélémy
 Sage-femme, un métier qui attire peu les hommes- CIDJ, Avril 2016, par Valérie François
 Gastronomie : la revanche des femmes chefs - Le Parisien, 6 Novembre 2012, par Rachelle Lemoine

Le milieu geek

Comme indiqué dans le titre, je suis une geek, et j’aime les jeux vidéos même si je n’ai pas tout le temps libre que je souhaite ni les moyens pour en profiter autant que je le voudrai. Je me réjouis de voir de plus en plus de femmes se tourner vers l’informatique et les activités vidéo-ludiques mais, là aussi, les choses ne sont pas si simples.

Côté informatique

« Les femmes n’y connaissent rien à l’informatique ! » Moui, et les hommes ne savent pas changer une couche. Moi non plus d’ailleurs, n’ayant jamais eu à le faire.

Juste pour un petit rappel historique, le premier programmeur informatique était... Lady Ada Lovelace. Une femme donc. Désolée messieurs, mais non, vous n’avez pas la primeur sur ce coup là ! Jusqu’à récemment également, les femmes occupaient les postes de programmeurs informatiques, tout simplement parce que les hommes considéraient que cela s’apparentait à du travail de secrétariat. Une tâche ingrate, en somme. Jusqu’au jour où ils se sont rendus compte que programmer, ben c’est super cool en fait. Donc, au revoir mesdames, merci et à la revoyure, vous pouvez retourner à la cuisine (dont elles ne seront que rarement cheffe, rappelez-vous !).

Vous comprendrez donc que cela m’énerve et me gonfle légèrement lorsque je me rend à une install-party et que l’on me sort « vous vous y connaissez beaucoup en informatique, c’est rare pour une femme ! » ou d’autres clichés du même genre. Alors, oui, je suis une femme, oui, je m’y connais en informatique, mais non, ce n’est ni rare ni exceptionnel. Merci de ne pas nous prendre pour des enfants, incapables de faire deux pas sans tomber si vous nous lâchez la main.

Malheureusement, nous sommes dans une telle culture patriarcale que, même là, une part importante de femmes contribuant au développement de l’informatique sont passées sous silence. Vous voulez un exemple important d’une femme informaticienne qui a permis à l’humanité de faire de grandes avancées ? Margaret Hamilton, ancienne directrice du département génie logiciel du MIT. Elle a « juste » développé le système embarqué d’Apollo 11. Oui, une femme. Une « faible femme » a permis aux ingénieurs de la NASA de faire décoller une fusée de plusieurs tonnes. Si ce nom vous évoque quelque chose, c’est tout simplement parce que les journaux ont parlé d’elle en 2016, lors de sa remise de la Médaille présidentielle de la Liberté, une distinction états-unienne.

Quelques références :
 Ada Lovelace, mathématicienne (1815-1852) - Femmes savantes, femmes de sciences
 Les femmes dans l’informatique, section *La transmutation des maths en info...* - LinuxFr.org, 8 Mars 2014, par paralax
 Margaret Hamilton - Wikipédia

Côté jeux vidéos

Autant j’aime jouer aux jeux-vidéos, me laisser transporter dans l’histoire et détrousser mes proies après les avoir affronté avec plus ou moins de difficulté, me demander comment les différentes équipes s’y sont prises tout le long du processus de création, autant je connais peu ce milieu. Pourtant force m’a été de constater que les femmes y sont peu présentent, bien que cela soit de moins en moins vrai, elles commencent même à être connues pour certaines. Malheureusement, bien souvent, nous n’apprenons leur existence que lorsqu’elles sont menacées par des « fans » mécontents. Je veux bien sûr parler d’une « histoire de trolls » qui a eu lieu il y a quelques mois suite à une mise à jour du jeu Mass Effect Andromeda. Sous prétexte que les joueurs n’étaient pas satisfaits d’une mise à jour graphique, et qu’une femme de l’équipe a été citée, à tort, comme directrice artistique dans un journal spécialisé, il s’en est suivi une avalanche d’insultes et de menaces physiques. On parle tout de même de menaces de viol et de mort ! Trouvez-vous normal d’insulter une personne, inconnue, voire de menacer son intégrité physique, sous prétexte que vous remettez en question ses choix et ses décisions ? Moi non.

Un autre aspect du monde du jeu vidéo qui me fait également avoir des étoiles dans les yeux, ce sont les conventions et les personnes qui font du cosplay. Je suis déjà allée à une convention de ce type, sur Bordeaux, avec un ami. L’ambiance était bon enfant, et j’ai été agréablement surprise de ne pas croiser trop de « boobs », à savoir des femmes en cosplay qui montrent bien leur poitrine, et aussi bien souvent le reste. J’ignore si c’est toujours le cas, mais pour avoir vu des photos de cosplay féminins, c’est malheureusement encore le cas. Je pense que les plus à même d’en témoigner sont les femmes du milieu professionnel et plus ou moins connues du grand public. Je ne citerai que deux noms, pour la France : Mar_Lard (bon, ok, elle travaille en Italie actuellement) et Kayané.

En conclusion, ceux que les journalistes qualifient régulièrement de trolls, dans certains milieux et certaines mesures, sont des harceleurs. Ni plus, ni moins.

Quelques références :
 Mass Effect Andromeda a l’air de plaire aux trolls - Fredzone, 20 Mars 2017, par FRED
 Sexisme chez les geeks : Pourquoi notre communauté est malade, et comment y remédier - Ça fait genre, 16 Mars 2013, par Mar_Lard
 Sexisme chez les gamers : les gameuses en parlent - Melty, 30 Août 2013, reportage

Le cercle amical et/ou familial

Parce que l’on ne choisit pas sa famille mais ses amis, il m’arrive de me prendre des réflexions que je juge déplacées, oppressantes, voire dirigistes et paternalistes, plus souvent de la part de ma famille que de mes amis. Célibataire endurcie, j’ai régulièrement droit à des réflexions sur le fait que je suis célibataire et que je n’ai pas d’enfant. Étrangement, ça semble être plus choquant d’être une femme seule sans enfant que d’être un homme dans la même situation. Ce genre de réflexion, teintée de bienveillance (non), saupoudré de « c’est parce qu’on t’aime et qu’on tient à toi que l’on t’embête avec ça ! », je l’ai régulièrement de la part de ma famille, plus rarement de la part de mes amies. Oui, amies avec un « e », j’ai constaté que, autant du côté familial c’est assez paritaire (ce qui est un exploit dans notre société patriarcale !), autant du côté amical ce sont plus souvent des femmes, de préférence en couple, avec ou sans enfant. Comme si l’accomplissement d’une femme, aussi moderne et indépendante soit-elle, ne peut se connaître qu’avec le bonheur d’être en couple, avec un homme de préférence, et avec une tribu d’enfants à élever et à gérer. Merci, mais non merci. Au moins les amies je peux les envoyer promener, ce qui n’est pas le cas avec la famille.

Premièrement, c’est ma vie privée et intime qui s’en retrouve jugée, épiée et analysée, deuxièmement, j’ai encore le droit de vivre ma vie comme je l’entends et d’en assumer mes choix. Deuxièmement, partir du principe que je suis forcément hétéro et intéressée par le fait d’avoir des enfants, c’est puant de patriarcat ! Qu’est-ce qui vous dit que je ne suis pas tout simplement homosexuelle et que, avec ce genre de climat, je n’ai juste pas le courage de faire mon coming-out ? Et bien il se trouve que je ne suis pas moi-même fixée sur ma sexualité, je me reconnais fortement dans la définition de l’asexualité. Ce coming-out, je l’ai fait sans m’en cacher auprès de certaines personnes. Les réflexions du genre « tu ne peux pas savoir si tu aimes ou non tant que tu n’as pas essayé ! », je les connais par cœur depuis bien avant que je ne fasse mon coming-out. Alors vos réflexions à l’emporte-pièce, vous serez bien gentils de vous les mettre où je pense ! De même que parmi vous certaines personnes savent qu’elles ne sont pas attirées par les personnes du même genre qu’elles, je sais que je ne suis pas forcément attirée par les rapports sexuels. Et ma libido va très bien, merci de vous soucier, encore une fois, de ma vie privée et intime. Il m’arrive, comme vous, de regarder du porno, d’avoir des attirances, mais ça ne va pas très loin en général et je m’en lasse vite.

Donc, foutez-la paix à vos filles, sœurs, nièces, cousines et amies avec leur vie intime et privée, contentez-vous de les apprécier telles qu’elles sont, elles ne s’en sentiront que mieux.

Quelques références :
 Le couple, cette norme qui culpabilise les célibataires - Le Monde, 25 Novembre 2014, par Marléne Durez
 La société pardonne mal le célibat à 40 ans- Le Figaro Madame, 26 Novembre 2016, par Assma Maad
 L’asexualité, qu’est-ce que c’est ? - Madmoizelle, 10 Mai 2015, par Brigitte Lebuysson
 Je suis asexuelle, et j’aimerais bien qu’on me foute la paix - Madmoizelle, 29 Octobre 2016, témoignage, par Une madmoiZelle

La société en général

Même dans notre société actuelle, le patriarcat est toujours omni-présent. On ne peut pas faire un pas dehors sans qu’il nous vienne en pleine figure. C’est la journée internationale de lutte pour les droits des femmes ? Chic, faisons une promotion sur les aspirateurs et les fers à repasser ! C’est la fête des mères ? Ressortons les fers à repasser et les aspirateurs ! C’est la fin de l’année ? Vite, élisons une jeune femme tout juste sortie de l’adolescence pour en faire une miss, on en profitera pour se rincer l’œil en toute impunité ! C’est la fashion week ? Vite, il faut exposer nos créations sur des femmes dénutries et poussées à l’anorexie pour porter notre nouvelle collection !

Où que j’aille, mes yeux sont agressés par des photos de femmes anorexiques, au visage éteint, et de préférence les cuisses bien écartées. Il n’y a vraiment rien qui vous choque là-dedans ? Moi si, et ça me met profondément mal à l’aise, à chaque fois.

Bien sûr, les hommes aussi subissent cette double culture de plein fouet. Un homme doit être viril, musclé, plein d’assurance, et avoir de préférence eu des coïts avec le plus de femmes que possible ! Autant tout ça est fortement valorisant pour les hommes, car encouragé par la société, autant une femme qui se comporte de la même façon (belle, mince et avec une activité sexuelle du même acabit) est une trainée. On valorise l’homme d’un côté pour mieux enfoncer la femme de l’autre. Et on apprend aux hommes, dès leur plus jeune âge, à se montrer entreprenant avec les femmes, et que non veut dire oui. Tandis qu’aux femmes, dès leur plus jeune âge, on leur apprend à se montrer discrète, à ne pas se défendre quand un garçon l’embête, mais plutôt à se méfier des hommes, et à ne pas sortir dans certains quartiers ni à partir d’une certaine heure. Nous sommes dans une société qui cultive à la fois le patriarcat et la culture du viol. Et bonus, les hommes ne représentent « que » 48% de l’humanité, soit 52% de femmes dans le monde. Amusant, n’est-il pas ?

Quelques références :
 La France reste un pays patriarcal - Le Nouvel Obs Temps Réel, 8 Mars 2005, entretien, propos recueillis par Chiara Penzo
 Les femmes et les homosexuels, victimes d’une société misogyne et patriarcale - BlastingNews, 22 Juin 2015, par Interrogations Contemporaines
 Je veux comprendre… la culture du viol - Madmoizelle, 13 Septembre 2012, par Clemence Bodoc
 La prostitution est le reflet de la société patriarcale - France TV Info, 12 Juin 2015, entretien, propos recueillis par Violaine Jaussent

Se déconstruire est essentiel

Si vous avez lu jusque-là, bravo à vous ! On va maintenant aborder un point moins négatif.

Que vous soyez un homme ou une femme, si vous êtes choqué par tout ce que je viens d’écire, il ne vous reste plus qu’à faire un long chemin de déconstruction. En quoi consiste la déconstruction ? Le premier point essentiel pour commencer est de prendre conscience, réellement, de tous les points que j’ai évoqué. Peut-être qu’après avoir lu tout ce pavé vous serez plus à même de constater, consciemment, l’existence de cette double culture patriarcale et du viol. C’est long, c’est difficile, mais on peut y arriver, et c’est une déconstruction que je fais chaque jour depuis plusieurs années. Je n’ai pas pris conscience tout de suite de ce qui ne me va pas dans notre société, ayant été moi-même formatée. Oui, un homme à le droit de pleurer et d’avoir des sentiments, tout comme une femme a le droit de diriger une entreprise et de se montrer impassible au désarroi d’autrui. Nous sommes avant tout comme nous sommes : humains. Et c’est bien pour cela que nous devons casser ce qui nous a été fourré dans la tête depuis tout petit. On a le droit d’être fort ou vulnérable, ce n’est aucunement de la faiblesse. On a le droit de demander de l’aide lorsqu’on est un homme et de la refuser lorsqu’on est une femme. Le sexe faible, c’est dans votre tête. Le sexe fort, c’est dans votre tête aussi. Et tous ces clichés nous ont été inculqués par la société patriarcale et la culture du viol. Il est temps que cela cesse ! Il est plus que temps que nous nous acceptions tels que nous sommes : homme, femme, cis ou trans-genre, hétérosexuel, homosexuel, pansexuel, handicapé… Il est plus que temps que la tolérance laisse sa place à l’acceptation de son prochain, pour qui il est vraiment. Et il est plus que temps que vous nous lâchiez les gonades et que vous laissiez-nous vivre nos vies ! Mais cette déconstruction générale n’est réellement possible que si tout le monde y met du sien et que personne n’a peur de mettre ses priviléges de côté !

Quelques références :
 - Messieurs, votre problème ça n’est pas le féminisme, mais le patriarcat ! - Le Ciel, le féminisme et ta mère, 29 Octobre 2014, par Le ciel, le féminisme et ta mère
 Essai graphique de déconstruction du genre - Slate, 16 Mai 2014, par Nabila Abbas & Antoine Tricot
 Déconstruire sa sexualité, un jour à la fois - Ton petit look, 26 Septembre 2016, par Salomé Landry
 Il faut déconstruire l’hétérosexisme - Libération, 23 Juin 2011, tribune, par Louis-Georges Tin, Président du comité Idaho et Carine Favier, Présidente du Planning familial
 Vivre avec un handicap - Nations Unies
 Petit manuel de savoir-vivre entre valides et handicapés (2) : 10 trucs pour favoriser la relation) - Ithaque Coaching, par Sylvaine Pascual.