Interview de Greg Siebrand
Suite à ma critique du libre Salut moi c’est Greg voici une interview de son auteur Greg Siebrand, qui a accepté de répondre à quelques questions.
Peux tu te présenter ?
Alors, je vais déjà répondre ma petite phrase fétiche : Salut, moi c’est Greg ! J’ai 35 ans (et plus toutes mes dents), et j’adore écrire, depuis des éons, même si je partage mes écrits publiquement depuis deux ans. J’aime me définir comme un auteur 2.0 : la technologie a permis de partager la culture de bien de manières différentes et je m’amuse à tester constamment de nouvelles techniques de partage d’écriture : on peut donc trouver mes écrits en ebook, mais aussi les lire en série sur des blogs, des réseaux tels que Wattpad ou Scribay et même trouver les textes plus aboutis en format papier. Sinon, je donne de temps à autre des animations/conférences sur les thématiques qui me sont chères : la culture libre, la vie privée, le logiciel libre...
C’est quoi l’Antre du Greg ?
L’antre du Greg est tout simplement mon antre, mon chez moi, mon petit bout d’internet. Je le nomme blogo-site. Initialement, c’était un espace que je vouais au partage de mes créations de jeu de rôles : mes scénarios, aides de jeu,... J’avais énormément d’écrits rolistiques. Le site a évolué, connaissant plusieurs mutations. Pendant un temps il est même devenu un espace d’échange pour la guilde dont j’étais chef sur Guild Wars. J’en suis, je crois, à la quatrième version, qui n’a plus grand chose à voir avec l’idée de départ. C’est maintenant le lieu où je partage mes écrits : mes petites histoires, mais aussi mes états d’âmes, mon point de vue sur la société, les technologies et sur ma vision de la culture et du numérique. Je ne désespère pas de mettre mes écrits de jeu de rôles, un jour, si le temps me le permet !
Peux tu te présenter tes écrits, donner envie qu’on te lise ?
Je pense qu’il faut décomposer mes écrits de deux manières : la première, c’est ma démarche d’écriture. J’aime tester de nouveaux moyens d’écrire, de partager. J’écris pas mal en série, sur Wattpad ou mon blog. Ce premier novembre commence la publication d’’un nouveau roman Web : "Les douze foutus cailloux d’Alinora", sur un site dédié, où j’étofferai un peu plus l’univers via des articles. Je me lance dans un nouvel essai pour le NaNoWriMo de cette année, mes tipeurs pourront me regarder écrire en "Live" via des pads. Ensuite, je ne mets aucun verrou sur ce que j’écris. Le partage est une valeur essentielle à mes yeux. Mes textes sont donc dans le domaine public, et je les mets à disposition en toute liberté, laissant le choix du média ainsi que la possibilité de me soutenir financièrement sans aucune obligation.
Sinon, je dois dire que j’écris un peu de tout : j’aime beaucoup le format de la série, qui permet de réaliser des épisodes assez courts, qui sont déposés de manière périodique. Je m’inspire pas mal du monde qui m’entoure, essaie de montrer ma vision de la vie dans mes écrits. Je ne suis pas limité à un style : j’écris de la SF avec Opération Bombe Humaine, où je traite entre autre de sujets bien actuels : la surveillance de masse, le pistage par RFID, le corporatisme, les drones,... le tout sous un fond de vieille conspiration. J’écris pas mal d’histoires courtes sur mon blog également, qui parlent de tout et de rien, de tranches de vie ou de petites anecdotes. Avec les douze foutus cailloux d’Alinora, je m’essaie à l’Heroic-Fantasy, bien sûr à ma sauce : il y aura des passages tantôt sérieux, tantôt qui partent dans tous les sens. J’essaie de varier les plaisirs, essayer des styles différents. Car plus que tout, j’aime essayer, apprendre.
Pourquoi avoir fait le choix d’élever tes écrits dans le domaine public via la licence CC0 ?
Note : ici je me suis permis de copier une partie d’un billet que j’ai mis sur Wattpad, qui explique cela (Le lien complet
La première raison, personnelle, vient du cœur. Je l’ai déjà expliqué dans un de mes billets, « parce qu’il n’y a rien de plus beau que le don et le partage », le partage est une valeur essentielle à mes yeux. Pour moi, la culture, le savoir sont des biens immatériels qui appartiennent à l’humanité. Selon moi, il ne peut y avoir de marchandage, de restriction d’accès à une œuvre culturelle. Avec l’obligation d’accréditation, utiliser une licence CC-BY implique, selon moi, des clauses restrictives (même si je respecte totalement les artistes utilisant cette licence, chacun devrait avoir le choix de faire comme il le souhaite).
L’art, pour moi, est un don. Un don que l’on doit mettre au profit du bien commun. Hors, dans notre société, tout est devenu « valeur marchande ». Ce qui n’est pas « monétisable » n’est pas digne d’intérêt. Ce n’est pas dans ce type de société que je veux vivre. Je veux une société équitable où tout le monde dispose du même accès au savoir, à la culture. Sans restriction. Chacun devrait avoir le loisir de pouvoir modifier, s’inspirer d’autres créations pour pouvoir s’exprimer de manière artistique. Donner, créer de cette manière est une source d’inspiration, est source d’échanges qui nous rendent bien plus riches qu’avec des pièces sonnantes et trébuchantes. Par ce geste, je plante une graine. Je montre que d’autres moyens de créer sont possibles que ce que les SNE et grands acteurs de l’édition nous martèlent. Cette graine, si elle germe dans l’esprit que d’une personne, aura atteint son but. En fleurissant, elle en créera d’autres qui germeront peut-être à leur tour. Déposer dans le domaine public est un acte militant, un geste fort, voire extrémiste. Il est vrai qu’il est totalement opposé au secteur de l’édition classique, qui, dans le sens inverse, tend à mettre le plus de verrous possibles sur les œuvres qu’elle détient. Par ce geste fort, on interpelle. On montre que le système est cassé, qu’il a besoin de changement. Le domaine public vivant n’est peut-être pas la solution, mais le système éditorial actuel non plus. En prenant ces deux extrêmes, je pense qu’il est possible d’ériger un nouveau modèle qui satisferait bien plus auteurs et lecteurs.
Que dirais tu à ceux qui ne te connaissent pas pour les inciter à te lire ?
Hum ! Pour moi, c’est la question la plus difficile ! Je dirai simplement ceci : Venez, et entrez. Mes écrits sont là et n’attendent que vous. Je vous les offre. Je ne prétends pas être Hugo, ou Rimbaud, simplement un auteur qui essaie de s’améliorer au fur et à mesure des jours. C’est pourquoi je vous invite à les lire, et pourquoi pas participer avec moi dans mon aventure d’auteur 2.0 !
As tu beaucoup de liens avec la communauté de tes lecteurs ?
Ma communauté de lecteur est encore très petite. Je dois dire que je n’aime pas faire de la pub/promotion à outrance, même si je sais que si l’on veut se faire connaître, c’est un passage presque obligé sur les réseaux sociaux. Le spam, cinq fois par jour sur Twitter ou Facebook en disant "Lisez mon histoire", très peu pour moi. Je trouve que c’est également un manque de respect envers ses followers en leur faisant encore et toujours lire la même chose (mais un rappel de temps en temps ne fait pas de mal). C’est pourquoi je poste très peu de rappels de mes oeuvres. Je reste un optimiste né : si quelqu’un aime ce que j’écris, il en parlera à d’autres. Mais avec ce mot d’ordre, la communauté grandit très lentement. Cependant, l’avantage d’une communauté qui grossit petit à petit est que je peux apprendre à connaître les personnes qui me lisent et dialoguer avec eux. J’essaie de répondre un maximum aux messages, parce que je pense qu’échanger est très important. On a tendance à mettre l’artiste sur un piédestal, avec une communication du haut vers le bas, en sens unique. Je suis cependant un humain comme un autre, je ne suis pas au-dessus de la mêlée. J’essaie donc de rester disponible pour dialoguer et travailler sur les suggestions que l’on me fait, dans la mesure du possible. D’ailleurs, mes livres papiers viennent d’un désir de plusieurs lecteurs. Je pensais à la base rester qu’en numérique. Plusieurs personnes ont émis le souhait de lire en papier, j’ai donc offert ce média, même si j’en "vend" très peu.
Tes écrits sont disponibles librement/gratuitement, tu demandes toutefois à ce que l’on te fasse un don ou te finance de façon régulière. Est-ce cela marche vraiment ?
Je dois dire qu’avec une petite communauté de lecteur, c’est assez difficile. Je fais face à beaucoup de scepticisme, voire même de l’appréhension pour utiliser des systèmes tels que Flattr ou autre qui sont encore très peu répandus. Certaines personnes de mon entourage me traitent de doux rêveur, de bisounours en donnant mes écrits et en faisant confiance à mon lectorat pour un soutien. Pour être honnête, en ce moment, avec cette petite communauté, je ne gagne rien. Le montant de dons que je reçois mensuellement n’atteint pas mes frais d’hébergement, et les frais que j’ai engrangé pour les livres papiers ne sont pas remboursés. Mais si ne fut-ce que tenir un livre papier a fait plaisir à une personne, j’estime que j’aurais eu raison de le faire. Malgré toutes ces difficultés, je pense sincèrement que c’est une voie qu’il faut explorer. Montrer que des alternatives existent face au monolithisme traditionnel. Qu’il peut y avoir un échange équitable entre lecteur et auteur, que ce soit par un don ou un Prix Libre. Peut-être qu’un jour, une masse critique de lecteurs et auteurs sera atteinte, permettant à des artistes de pouvoir vivre de leur art de cette manière. Dernièrement, j’ai lancé un Tipeee (financement participatif pour les artistes) comme nouveau système, on verra sur la durée ce que cela pourra donner.
Quels sont tes auteur-e-s favoris ?
Via la culture libre, il y a toujours trois noms qui me viennent à l’esprit : Pouhiou, Neil Jomunsi et Ploum (Lionel Dricot). J’adore ce qu’ils créent, et ils sont une belle source d’inspiration dans leurs gestes, dans la manière de partager leur art. On pourrait dire que ce sont en quelque sorte mes maîtres à penser. Sinon, en auteur plus classique j’adore lire Anne Rice, surtout sa chronique des Vampires, un peu de King, et sinon je relis régulièrement le Seigneur des Anneaux (qui est d’ailleurs en train d’être relu à l’heure actuelle). Mais globalement, je lis un peu de tout.
Qu’apprécies tu sur le blog de Genma ?
Je me disais bien qu’il y avait une question piège ! :D Ce que j’apprécie le plus, c’est l’effort de vulgarisation. Pas besoin d’être un grand technicien informatique pour comprendre les billets qui se veulent accessibles à tous. Je pense que c’est extrêmement important. La plupart des blogs informatico-libristes sont réservés aux initiés, et prêchent bien souvent des convaincus. Je pense que la communauté libriste doit plus s’ouvrir vers les utilisateurs "non-avertis", avec un langage clairement compréhensible pour tout un chacun. C’est entre autre ce que j’essaie de faire lorsque je parle technologie sur mon site. Sinon, j’adore les billets un peu plus personnel. J’aime beaucoup lorsque quelqu’un sort ses tripes, dit ce qu’il a sur le coeur. J’espère voir plus de billets du Genma profond, (mais cela, je te l’ai déjà dit il y a quelques mois)
Ton rapport à la vie privée ?
La vie privée est un droit inaliénable, qui est inscrit dans la charte des droits de l’homme. Seulement, elle est continuellement bafouée. Que ce soit par l’état entretenant une paranoïa généralisée ou par des compagnies peu scrupuleuses, revendant les données personnelles à des annonceurs, ou dans le cas de société telles que Facebook, décident de ce que l’utilisateur lira. (Algorithme de sélection d’affichage du flux selon l’activité de l’internaute). Je ne pense pas qu’il faille rentrer dans la paranoïa, en s’enfermant dans le deep web et en utilisant du chiffrement à outrance (même s’il est nécessaire). Je pense que rentrer dans une certaine clandestinité donne raison à l’état : c’est une solution de défaite, on se met à se cacher. On oublie une chose : ce n’est pas l’état qu’il faut craindre, mais bien l’état qui devrait craindre ses "patrons", qui ne sont ni plus ni moins que la population. Néanmoins, tous les outils sont nécessaires et doivent être appris (chiffrement, TOR, etc). L’idéal serait que toute communication soit chiffrée pour tout le monde. Mais il y a un sacré boulot d’éducation et de simplification de l’outil à faire derrière.
Le mot de la fin ?
Le mot qui me vient à l’esprit, c’est merci. Merci à toi Genma, de m’avoir interrogé sur ma démarche d’écriture. Et à vous tous qui avez lu cette petite entrevue. J’espère vous revoir, dans les méandres d’internet et vous partager encore de nombreuses histoires !
Lire Greg, c’est par ici :
– Le blogo-site : http://www.antredugreg.be
– Atramenta : http://www.atramenta.net/authors/greg-siebrand-alias-le-greg/37438
– Wattpad : https://www.wattpad.com/user/LeGreg
– Scribay : https://www.scribay.com/author/83