A propos de l’apprentissage et de l’enseignement... par Okhin

, par  Genma , popularité : 2%

Ce texte est une libre traduction (libre au sens adaptée et libre au sens de licence du texte) du billet d’Okhin About learning and teaching

Source de l’image (cc) Ophelia Noor/Owni

A propos de l’apprentissage et de l’enseignement... Et de comment (peut-être) le faire de bien

Donc il semblerait que j’étais intégré dans une sorte de collectif en charge de l’organisation de cryptopartie sur Paris (voir ici). Ce qui est assez cool car cela me permet de zapper certaines d’entre elles et d’avoir un peu de repos quand je suis en vacances.

Les choses marchent plus ou moins bien, mais j’ai quelques problèmes avec la direction que cela comment à prendre. Ce n’est pas quelque chose de facile à dire, parce que c’est probablement ma faute - du moins j’ai quelques responsabilités - mais nous avons quelques problèmes d’attitude chez certains des coorganisateurs. J’espère que ce n’est rien qui ne puisse être résolu et nous allons essayer d’en parler et voir comment ce évolue.

Cependant, plus j’y pense, et plus je pense que nous n’avons pas assez parlé de ce qu’est l’enseignement ou ce que faire de la formation est réellement. Et quelles sont les responsabilités que vous avez à approuver et accepter lorsque l’on se retrouve face à un groupe de personnes afin de leur enseigner de nouvelles choses, que ce soit la chimie, l’astrophysique, la politique ou - dans ce cas - la cryptographie et la confidentialité.

Donc, comme d’habitude, je vais faire un déballage du contenu de mon cerveau ici. Pas sûr que ça ait un sens ou que j’ai raison, mais je pense que les gens qui veulent faire des formations devraient penser à ce que cela implique pour eux et pour les personnes qu’ils forment.

Désorganisée et non planifiée

C’est la façon dont les cryptoparties fonctionnent et que nous avons gardées. Toute personne de bonne volonté est la bienvenue pour aider, il n’y a pas de prérequis de compétences, pas de vérification de CV. Nous le faisons tous sur notre temps libre et nous essayons de rester entre amis, cela implique un grand nombre d’individus (la façon de faire de Telecomix) et parfois certains parlent sévèrement sur une liste de diffusion. Mais c’est de cette façon que j’aime les choses.

J’ai commencé ces ateliers au hackerspace le Loop, parce que je voulais explorer la technologie, je ne comprenais pas tout en une fois, et je préfère le faire en groupe. Le fait que ce soit devenu une sorte d’institution est un accident et n’a jamais été prévu.

Ainsi, lorsque nous lançons une nouvelle cryptopartie, nous suivons le Chaos workshop Howto et nous tentons surtout de savoir qui sera là et qui veut se former sur quel sujet, puis nous posons la question aux gens qui se sont rassemblés ici "Que vous voulez explorer ?"

Et c’est loin d’être parfait, mais au moins, ça a marché pendant un certain temps. Mais maintenant, nous avons quelques interrogations. Ces interrogations sont essentiellement parce que nous n’avons jamais parlé entre nous de ce que la transmission de la connaissance implique.

Les biais cognitifs et les arguments des autorités

La première chose à souligner est que, lorsque vous vous mettez en position de formateur, vous avez un pouvoir immense. Vous êtes l’expert, l’autorité, la personne qui le sait, et ce que vous direz sera accepté comme LA VERITE (avec des majuscules) par votre auditoire.

Cela signifie que vous devez être très prudent quant à ce pouvoir, parce que - comme Oncle Ben l’a enseigné à Peter Parker - avec une grand pouvoir, il y a aussi une grande responsabilité. On ne peut pas être exhaustif ou être sans faille, mais on doit être autant irréprochable qu’on le peut dans la connaissance que l’on essaie de transmettre.

Surtout dans le cas où vous vous enseignez à des militants/activiste. Ces gens seront essentiellement amener à utiliser ces connaissances dans des situations de vie ou la mort et vous devez faire tout votre possible pour éviter qu’ils aient des idées fausses sur ce qu’ils font (avec le chiffrement/la crypto NDT.).

Il en va de VOTRE responsabilité. Vous devez savoir ce que vous savez et ce que vous n’aimez pas, vous devez accepter que vous ne pouvez pas savoir quelque chose et quand vous ne pouvez pas répondre à une quetsion (notez-là et cherchez la réponse à la question pour plus tard). Vous ne pouvez pas être moyennement bon ou approximatif. Vous devez être excellent. Si vous ne le pouvez pas, vous ne devriez pas faire cette formation.

Et oui vous avez Internet pour vous aider. Si vous ne savez pas, n’hésitez pas à ouvrir un navigateur Web et chercher la réponse. De cette façon, les gens avec qui vous êtes en formation vont apprendre comment ils peuvent réussir à mieux comprendre les choses. Dans le contexte des crypoparties c’est aussi pourquoi j’aime les animer en duo. On peut se corriger l’autre ou aider quand une difficulté surgit, et tout le monde y gagne.

C’est aussi pourquoi lorsque je veux explorer un nouvel outil, je dis d’emblée que je ne le sais pas encore comment cela fonctionne, mais que je veux savoir comment cela fonctionne. Et nous creusons plus profondément, tout en explorant.

C’est aussi pourquoi je n’enseigne pas les mathématiques derrière la cryptographie, parce que je ne les comprends pas pleinement (et c’est aussi pourquoi je ne suis impliqué dans l’écriture de code de cryptage), il est donc difficile pour moi de vous en expliquer le fonctionnement au delà de généralités approximatives.

Mais - et c’est la partie importante - peu de gens vont vous poser des questions. Après tout, vous êtes la personne qui possède les connaissances, et ils désirent ardemment en savoir plus, ils veulent savoir. Ainsi, il est de votre devoir de vous assurer que vous n’allez pas leur apprendre des erreurs.

L’inclusion et l’accessibilité

Cette partie est plus orientée vers les cryptoparties. C’est déjà difficile pour les gens de venir à un cryptopartie, le nom est effrayant - et c’est pourquoi nous appelons ça "les Café Vie Privée" - et c’est pourquoi nous devons être le plus poli, accessible et inclusif que possible.

Cela signifie que vous devez éviter d’étiqueter les gens et accepter leurs questions, et leur étrangeté. Cela signifie également que lorsque vous avez à prendre des exemples, des analogies, des choses comme ça, vous devriez vraiment éviter les stéréotypes, car il ne font que créer toujours plus de stéréotypes.

C’est aussi pourquoi vous ne devriez pas faire des groupes de niveau orienté. Ou utiliser des termes comme n00bs. C’est excluant, cela confronte les gens à leur manque de connaissances dans un domaine spécifique (alors qu’ils peuvent probablement vous apprendre beaucoup de choses de leur expérience).

Le fait est que nos cryptoparties ici sont pour la plupart organisées par des personnes de type blanc cis - mâle est cela est déjà un gros problème en soi. Si vous utilisez, par exemple, des propos sexiste, ou supposer que les personnes - parce qu’elles sont des femmes - sont ceux qui ne connaissent pas une chose à propos de la cryptographie/du chiffrement, vous avez un problème.

Et ce n’est même pas parce que vous êtes un trou du cul. C’est tout simplement parce que vous avez le pouvoir, et qu’il y a des effets secondaires puissants. Si vous dites aux gens qu’ils sont fantastiques et que ils font des progrès, que ce n’est pas grave si ils n’y parviennent pas maintenant, etc, alors ils vont être incroyables. À l’autre extrémité, si vous pensez d’eux qu’ils sont des noobs et lamers qui peinent à comprendre les technologies de base parce que vous saviez tout cela avant, alors ils vont rester dans leurs ignorances.

Il faut donc toujours penser à l’intégration de tous. Y compris aux personnes les plus étranges que vous verrez. Ou celui/celle avec qui vous n’êtes pas à l’aise avec. Vous n’avez pas le choix, si vous voulez partager vos connaissances, vous devriez la partager avec le plus grand nombre possible de personnes, et alors vous ne devriez pas supposer quoi que ce soit à propos de leur vie.

Rester humble

Tout cela nous mène à notre dernière partie. Restez humble. Vous devez savoir beaucoup de choses sur le sujet dont vous êtes sur le point de parler, ou vous ne devriez pas en parler / ne devriez pas le faire. Mais toutes les autres personnes autour de vous - y compris les organisateurs de la co - sont également plus ou moins experts sur certains sujets, parfois même le sujet que vous allez enseigner.

Et vous serez toujours dans une autorité de facto, il ne faut pas se vanter de toutes les choses que vous avez fait. Vous n’avez pas besoin de vous justifier, si les gens sont venus, ils vous font déjà confiance sur le fait que vous serz bon sur ce à quoi vous allez les former. Vous n’avez pas besoin de les confronter à leur manque de connaissances.

Et si vous le faites avec un co-animateur - ce qui est le mieux, les parties sont mieux quand il y a plus d’une personne qui enseigne - on doit travailler de façon collaborative. Différentes personnes ont des opinions différentes sur le même sujet, et c’est pourquoi il est intéressant de travailler avec eux. Ils pourront également vous aider quand « vous êtes dans la difficulté, ou vous aider à faire des choses ensemble quand votre monde va inévitablement s’effondrer.

Et il est important dans un tel groupe de ne pas avoir un grand ego, d’accepter de prendre du recul. Oui, vous pouvez promouvoir vos propres projets parce qu’ils sont cool, ils peuvent aider les gens, etc. Mais vous devez aussi accepter que, parfois, quelqu’un d’autre veut prendre la parole, ou essaye de faire les choses d’une manière différente, parce que nous sommes tous en train d’apprendre à transmettre des connaissances, et parfois nous avons besoin d’expérimenter des façons de faire

Donc oui, vous devriez écouter vos co-organisateurs. Mais vous devez également écouter à vos stagiaires. Ils ont des questions et problématiques que vous ne pouvez pas anticiper. Et puisque vous n’êtes pas en train de faire une de vos conférences, vous avez besoin d’interagir, d’accepter leur point de vue, de vous mettre à leur place, car il y a une raison à la question pour que vous considérez comme stupide.

En outre, vous devez transmettre toutes les clefs de la connaissance. Cela signifie que, par exemple, lorsque vous faites la démonstration d’un nouvel outil de crypto que vous aimez, que vous devez expliquer chacune des options disponibles, ce qu’elles sont et quelles sont les différences, mais aussi pourquoi vous recommandez d’utiliser cet ensemble spécifique d’options. Si vous avez une bonne raison de le faire, expliquer le.

Et soyez patient. Je fais de l’assistance téléphonique (une partie de mon travail est de faire du help desk). Je peux vous assurer que la plupart des gens qui vont venir volontairement à une formation sont prêts à apprendre. Mais ils ont besoin de comprendre les choses, et parfois vous devrez répondre aux mêmes questions à plusieurs reprises. Cela signifie que vous aurez besoin de reformuler jusqu’à ce que le stagiaire comprendre. Et oui c’est fatiguant. Mais il n’y a rien de mieux que d’aider, alors soyez patient.

Conclusion ?

Alors oui, si vous voulez former des gens, vous avez des responsabilités à leur égard. Vous devez y réfléchir, vous jouez avec leurs vies. Il est facile de leur faire peur, et de les faire fuir, mais ce n’est pas votre travail. Votre travail est de leur donner suffisamment de clés et un soutien pour les aider à, courir et enfin faire un backflip.

Et il faut quelques prérequis au préalable. Soyez humble. Sachez où s’arrête votre connaissance. Soyez exhaustif. Si vous ne l’êtes pas, et si cela se produit quand je suis là, je vais probablement me ruer sur vous et vous en faire le reproche.

La formation /l’enseignement / la transmission de connaissance est une affaire sérieuse. Cela peut être fait de façon amusante, mais cela doit être fait d’une manière qui va faire que les stagiaires apprennent des choses (et, un jour, ils vont devenir formateur à leur tour, ce qui est une excellente choses et ce qui vous aidera à prendre du recul sur tout ça).