De la vidéo protection

, par  Genma , popularité : 4%

Chaque année, je pars en vacances en Pologne (ma mère est originaire de ce pays et j’ai de la famille là-bas), dans un tout petit village dans le Nord du pays. Tout petit village veut dire ragot et autres anecdotes (principe de la vie de village) et cette année, j’en ai entendu deux qui m’ont fait de suite pensés à la conférence du projet sous-surveillance.net que j’avais vu lors de l’édition 2013 de Pas Sage en Seine.

Le thème était les caméras de surveillance.

Dans ce village, je savais qu’il avait une caméra à côté de la banque depuis quelques temps déjà (celle-ci a déjà vu son mur attaqué à coup de masse par des individus souhaitant dérober le contenu du coffre), mais je ne savais pas pour les nouvelles caméras... La présence de ces nouvelles caméras me permet de vous retransmettre les deux anecdotes suivantes que l’on m’a racontée.

La première. La place du village a été refaite et y a été installé une fontaine à eau. Une nuit, un garçon voulant faire une farce est venue y déposer de la lessive. Lessive, qui, brassé par les mouvements du jet d’eau de la fontaine, a fait de la mousse. Le lendemain matin, toute la place était recouverte de mousse, rendant le lieu digne d’une soirée mousse de discothèque. Tout le monde se demandait qui avait pu faire ça. Ce qu’ignorait l’adolescent en question, c’est une caméra de surveillance venait d’être installé sur un des luminaires de la place et qu’en consultant les enregistrements de cette vidéo surveillance, on a pu le voir commettre son délit, l’identifier. Et voir qu’il était un fils de bonne famille, sans histoire. Et qu’il était la dernière personne à laquelle on aurait pensé pour faire ça.

Comme autre anecdote, il y a celle-ci. Suite à du vol de matériel informatique, une caméra a été ajoutée à l’extérieur de l’école primaire du village. Ma tante travaille dans cet école en tant que femme de ménage/surveillante. En passant devant l’écran de surveillance, elle voit une petite fille qui fouille dans la poubelle de l’école. Elle sort, la petite fille l’entend et fait comme si de rien n’était. Ma tante lui dit alors : "tu fouillais dans la poubelle". "Comment vous savez ? Je cherchais juste à récupérer des bouchons de plastique pour un projet que nous avons". Cette petite fille venait de découvrir le principe de la vidéo-surveillance.

Quel est donc le rapport avec le projet sous-surveillance.net ? Sous-Surveillance.net est une cartographie participative, collaborative et accessible au plus grand nombre. Elle permet de rendre visible la prolifération des caméras tout en collectant un maximum d’informations les concernant. Dès maintenant, chacun et chacune peut s’approprier le site, lutter, agir, participer, partager ses idées, informer, consulter la revue de presse et se réapproprier l’espace urbain

En d’autres termes, le but est de dire où se trouve les caméras pour savoir quand on est filmé. Car la vidéo-protection est un parfait terme de novlangue orwellienne car une caméra ne protège pas. Elle permet juste à posteriori, d’aider à identifier les coupables. Et sa présence est normalement dissuasive. C’est là la théorie.

Car dans la pratique, on peut très bien suivre une personne, savoir ce qu’elle fait, où elle va. Tant que cela concerne les vilains terroristes et arracheurs de sac de petites vieilles, c’est très bien. Mais commencer à accepter cette vidéo-protection à tout va, sans rien dire, c’est accepté qu’un jour, on me suive moi, à la trace, moi qui n’est rien à me reprocher...

Pour en revenir à mes deux anecdotes, j’ai longtemps pensé que le petit village où j’allais, où j’ai tant de souvenirs d’enfance, était un peu coupé du reste du monde, vivant au rythme des saisons et du travail lié à l’agriculture. La présence des caméras m’a rappelé que le monde moderne était bel et bien là. Et pas forcément dans ce qu’il a de mieux. Car qui surveille les surveillants ? Qui contrôle fait que personne ne détourne l’usage de ces caméras à des fins personnelles (pour mieux savoir qui fait quoi quand et alimenter ainsi les ragots du village).

A l’ère où la téléréalité (là aussi de la novlangue, vue que les participants jouent tous un rôle, on est tout sauf dans de la réalité) est commune, où le fait d’être filmé est presque une gloire (il n’y a qu’à voir le nombre de personnes qui postent des vidéos d’eux sur Youtube), il ne faut pas oublier que la soit disante vidéo-protection peut très facilement se muer en vidéo-surveillance...